Comment décarboner les infrastructures de transport routier ?

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décarboner infrastructure routière

La France a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Si l’objectif semble lointain, les mesures à mettre en place pour y parvenir doivent être mises en branle dès maintenant. Cela est d’autant plus vrai que les bilans d’étape n’invitent pas à l’optimisme. Comment parvenir à faire ce saut sans davantage mettre les Français sous la pression d’une fiscalité déjà impopulaire ? Il existe des solutions rapides et fiables à explorer afin de rendre les infrastructures routières plus vertes. 

En France, près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) est issu du secteur des transports. La mobilité est au cœur des enjeux et plus particulièrement la route, car cette dernière représente 94 % des GES du secteur des transports. Des mesures s’imposent comme le passage à l’électrique, mais le coût est redouté par les pouvoirs publics et plus encore par les Français. Pourtant, un certain nombre de mesures ciblées, efficaces et rapides à mettre en œuvre peuvent être prises dès aujourd’hui pour accélérer la décarbonation des infrastructures de transport, sans pour autant peser sur le portefeuille des Français, déjà mis à mal par l’inflation galopante.

Développer les mobilités électriques

La transition progressive — mais rapide, du fait de l’urgence climatique — vers un parc automobile 100 % décarboné constitue l’axe principal pour décarboner les transports routiers. Dans un premier temps, l’État doit faire en sorte de rendre accessibles aux ménages français — notamment les plus modestes — les véhicules non polluants dont le prix est aujourd’hui trop élevé pour la plupart des bourses.

En parallèle, l’État et les collectivités locales doivent mieux faire pour assurer un maillage de bornes de recharge sur l’ensemble du territoire. La faible autonomie des moteurs électriques et la difficulté à trouver une station de recharge restent parmi les principaux freins à l’achat d’une voiture électrique. L’ancienne ministre des Transports et désormais Première ministre, Elisabeth Borne, affirmait d’ailleurs, en octobre dernier, que « pour être au bon niveau d’équipement du territoire, il manque 15 000 bornes d’ici à 2025 ». Cette carence devrait donc constituer la priorité du Gouvernement, y compris concernant les stations de recharge « ultra-rapides » installées sur les autoroutes. Actuellement, 65 % des aires d’autoroute françaises en sont équipées.

Si la couverture à 100 % du territoire constitue la principale priorité à court terme, des investissements importants seront aussi nécessaires pour démultiplier le nombre de ces bornes sur l’ensemble des réseaux. L’enjeu est loin d’être faible, puisque l’adoption croissante des voitures électriques ne saurait s’accompagner de files d’attente interminables, faute de bornes disponibles.

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L’État aura également à réaliser d’autres investissements en la matière, notamment concernant l’agrandissement des aires de repos afin qu’elles puissent accueillir un nombre suffisant de stations de recharge. Des efforts sont donc attendus, mais les résultats pourraient être relativement rapides et transformer en quelques années le visage du déplacement par la route en France. Une évolution sans réel impact sur le pouvoir d’achat des Français. Un point de vigilance subsiste : pour que les émissions carbone baissent drastiquement, il faudra que l’électricité produite pour nos futurs véhicules soit elle-même décarbonée.

infrastructure routière

Vers des routes « à énergie positive » ?

Le développement des énergies renouvelables électriques constitue une nécessité, a fortiori dans le contexte actuel marqué par la baisse de disponibilité des centrales nucléaires françaises. À ce titre, le solaire présente des avantages importants : la filière française du photovoltaïque est mature et bien développée, et l’installation de panneaux solaires est réversible et facilement réalisable.

La mise en place de panneaux photovoltaïques le long des infrastructures routières et autoroutières pourrait donc être une solution intéressante. Ces panneaux solaires seraient implantés aussi bien sur les aires de repos et les parkings qu’aux abords des routes et des autoroutes. Dans ce second cas, les panneaux seraient mis en place sur des friches, des terrains dégradés, inutilisés ou ayant une faible utilité du fait de leur proximité avec les routes.

À terme, l’enjeu de ces installations serait que les infrastructures routières puissent produire suffisamment d’électricité pour alimenter les bornes de recharge. Les routes et autoroutes deviendraient alors autosuffisantes en énergie : la production d’électricité en question serait capable de couvrir l’intégralité de la consommation des véhicules électriques empruntant le réseau.

Cette solution a le mérite d’être aisément exploitable et présente peu d’inconvénients, notamment parce que les panneaux photovoltaïques ne nécessitent pas de fondation en béton et n’entraînent pas d’artificialisation des sols. En revanche, cette mesure réclamerait un allègement de la législation en la matière pour permettre une mise en œuvre rapide.

Enfin, créer des routes « à énergie positive » permettrait de décarboner le fret routier.

Réduire les émissions des poids lourds

L’un des plus grands défis que doit relever la France pour atteindre le « zéro carbone » sera de réduire les émissions de gaz à effet de serre du fret routier. Au sein du secteur des transports, les poids lourds représentent effectivement, en France, 22 % des émissions de GES.

Plusieurs solutions sont ainsi à l’étude pour décarboner le fret routier. Parmi elles, l’une des plus prometteuses pourrait être la conduction au sol par rail. Cette technique consiste à relier un patin posé sous les véhicules à un rail logé dans les chaussées, le patin se relevant en cas de changement de voie. Ce procédé présente d’ailleurs un autre atout important : il pourrait aussi alimenter les véhicules légers, limitant donc les besoins en recharge des voitures individuelles. L’installation d’une telle technologie sur l’ensemble des infrastructures exigerait cependant des investissements et des travaux beaucoup plus conséquents.

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D’autres mesures pourraient donc être prises plus rapidement pour diminuer les émissions de GES des poids lourds.

Le remplacement des barrières de péages par des dispositifs sans arrêt, aussi appelés free flow, serait ainsi en mesure de réduire fortement les consommations de carburant des camions (et de tous les autres véhicules) en faisant disparaître le freinage et l’accélération nécessaires lors du passage à un péage. Cette solution innovante permettrait également de faire gagner du temps à tous les automobilistes en supprimant les pénibles files d’attente aux péages. De même, la disparition des barrières de péages libérerait des espaces qui pourraient servir, par exemple, à l’installation de panneaux photovoltaïques.

Là encore, l’adoption de cette mesure exigerait un investissement de la puissance publique ainsi qu’une adaptation du cadre juridique actuel. Elle est pourtant réalisable en quelques années seulement et ne devrait pas alourdir davantage les dépenses des Français. Il revient donc à l’État et aux collectivités d’être à la hauteur du défi climatique et d’investir pour effectivement décarboner nos infrastructures routières. Une nécessité, si la France veut rester dans les clous de ses engagements environnementaux et atteindre le « zéro carbone » en 2050…

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